05/05/2025 ssofidelis.substack.com  8min #276901

Ils ont d'abord tué les Alaouites et les Chrétiens et aujourd'hui les Druzes - à qui le tour en Syrie ?

Par Sonja van den Ende, le 4 mai 2025

Les anciennes puissances coloniales européennes, tout comme l'Empire ottoman, ont semé le chaos, les divisions sectaires et les tensions.

Le monde, ses politiciens et les médias restent silencieux - un silence de mort - sur les événements qui se déroulent dans ce que j'appelle désormais l'ancienne Syrie. La Syrie est en train d'être balkanisée : pire encore, elle est en train de subir un nettoyage ethnique - du moins, c'est l'objectif - tout comme la Palestine.

Depuis décembre 2024, après la chute du gouvernement du président Assad, une spirale de violence, de nettoyage ethnique, de meurtres et de représailles s'est mise en place. Les médias occidentaux et les grands médias arabes, souvent dominés par le point de vue sunnite comme Al-Jazeera et Al-Arabiya, restent silencieux ou rejettent le nettoyage ethnique comme de simples combats contre les derniers vestiges de la résistance de l'ancien gouvernement du président Assad.

Et bien sûr, ils ne révèlent pas la vérité : ceux que l'on qualifie de rebelles, sous le nom de Hayat Tahrir al-Sham (anciennement Al-Qaïda) et qui dirigent aujourd'hui la Syrie, sont en réalité l'État islamique. Oui, l'État islamique est de retour - il n'a jamais vraiment quitté Idlib - et il brandit la foi sunnite comme une arme de terreur, à l'instar des colons sionistes (dont beaucoup sont des émigrés américains) en Israël.

Ils se servent de la religion comme d'une arme et d'un prétexte pour  détruire tous ceux qu'ils qualifient d'infidèles, de dissidents ou d'opposants, pour ne citer que quelques exemples. Ce sont des groupes radicalisés et endoctrinés, incapables de dialogue. Les seules options possibles sont donc exterminer, ou être exterminé. Nous le constatons en Syrie, comme nous l'avons vu auparavant en Afghanistan et en Libye. Nous avons été témoins d'attaques dans le monde entier, souvent contre des civils ordinaires, perpétrées au nom d'Allah, de Dieu ou de Yahweh avec une barbarie médiévale brutale.

Le  nettoyage ethnique des Alaouites et l'𝕏 expulsion des chrétiens ont commencé le 8 mars dernier dans des localités telles que Ma'aloula et Sednaya, et se poursuivent aujourd'hui dans la "Vallée des Chrétiens". Les Alaouites ont protesté contre les licenciements massifs et les conditions de vie inhumaines - sans emploi, sans argent, affamés et finalement menacés de mort. En réponse, les terroristes de Damas, dirigés par Al-Julani (qui occupe depuis lors le palais présidentiel avec sa milice) ont commencé à assassiner systématiquement les Alaouites sous couvert de leur "dispositif de sécurité".

Pour rappel, je cite les conclusions de Marat Imankulov, secrétaire du Conseil de sécurité kirghize, qui a déclaré en février que

"selon certaines estimations, jusqu'à  20 000 militants étrangers ont rejoint les forces de sécurité syriennes".

Et ces estimations sont prudentes. Les terroristes affluent désormais de tous les coins du globe vers l'ancienne Syrie, contribuant au nettoyage ethnique de ses habitants pour établir, avec l'aide de la Turquie, un nouveau califat ancré dans une idéologie médiévale.

Le Moyen-Orient est en train d'être ramené plusieurs siècles en arrière. Si l'Europe et le reste du monde laissent ce cancer se propager, ils devront bientôt s'armer contre ce nouveau califat. À l'instar de l'émirat de Cordoue, devenu le  califat de Cordoue en 929, cet État arabo-islamique, dirigé par la dynastie des Omeyyades de 756 à 1031, dominait autrefois le sud de l'Espagne. Ils ont été stoppés aux portes de Poitiers, mais aujourd'hui, les soutiens du nouveau califat sont déjà bien implantés dans toute l'Europe. Les vannes  ont été ouvertes en 2015.

Aujourd'hui, les Druzes sont confrontés au nettoyage ethnique. Après avoir massacré les Alaouites et contraint nombre d'entre eux à fuir au Liban (où ils attendent des visas européens aux côtés de leurs frères chrétiens), le régime de l'État islamique d'Al-Julani s'est tourné cette semaine vers Jaramana, la banlieue druze de Damas. D'éminents cheikhs druzes ont été exécutés par les forces de sécurité du régime, composées principalement d'étrangers. À Sawra Kabira, un village druze, et dans toute la province de Suwayda, le cœur de la communauté druze de Syrie, les attaques ont fait des milliers de morts : des jeunes hommes, des cheikhs, des femmes et des enfants.

Les bombardements des factions d'HTS-État islamique ont rasé des maisons dans les villages druzes de la province d'As-Suwayda. Des sources locales rapportent des tirs de mortier et d'artillerie sur des zones résidentielles, provoquant le déplacement des familles et causant d'importants dégâts. Le nombre officiel de victimes n'est pas confirmé, mais les rapports font état d'un nombre important de morts parmi les civils et d'une panique généralisée. Des personnalités telles que  Hussam Warwar, maire de Sahnaya, et son fils Haidar ont été exécutés par les forces de sécurité de l'État islamique d'Al-Julani par un peloton d'exécution au milieu d'un champ.

Des 𝕏 images diffusées sur les réseaux sociaux montrent le maire M. Warwar, vêtu d'une chemise bleu ciel, saluant publiquement les forces de sécurité générale et tentant de négocier avec elles. Il est même apparu à la télévision syrienne, assurant aux habitants stabilité et coopération avec les factions nouvellement régnantes. Pourtant, moins de 24 heures plus tard, lui et son fils étaient morts, exécutés par le régime HTS-État islamique.

Pendant ce temps, les forces d'Al-Julani ont pris d'assaut des villages comme  Fahil, à 40 kilomètres de Homs, peuplés d'Alaouites, de Druzes et de Chrétiens. Leur méthode est toujours la même : couper internet et l'électricité, puis massacrer tous les habitants. Cela se produit quotidiennement, sans que les médias grand public n'en fassent état, un manquement honteux.

Pendant ce temps, les médias d'État contrôlés par l'État islamique affirment que les "forces de sécurité publique" ont été déployées à Al-Sourah Al-Kubra pour "renforcer la sécurité et la stabilité". Pourtant, leurs propres images démentent ce mensonge : ce sont des  terroristes portant l'insigne de l'État islamique qui opèrent sous couvert de ces soi-disant forces de sécurité.

Les politiciens et les élites du monde entier, cependant, ont flairé le profit et le pouvoir en Syrie. L'Occident (et d'autres) s'engagent désormais avec le terroriste Al-Julani dans son palais de Damas, se prosternant à ses pieds, lui serrant la main (les hommes uniquement), prenant des selfies et vantant son leadership "inclusif". Les Français, toujours avides d'aventures coloniales, ont déjà conclu un accord : l'Autorité générale syrienne des ports terrestres et maritimes (qui conserve les anciennes structures gouvernementales) a signé un  accord avec la société française CMA CGM pour gérer le terminal à conteneurs de Lattaquié. Lattaquié est de nouveau entre les mains des Français.

Ou prenons l'exemple des Italiens, qui pourraient bientôt passer leurs  vacances dans le nouveau califat. Visiteront-ils les villages alaouites, chrétiens et druzes où se déroulent les massacres ? Leurs femmes se voileront-elles, comme l'exige la loi ? Ou HTS jouera-t-il le jeu, comme Hitler l'a fait en 1936, en effaçant toutes les preuves d'un génocide imminent ?

La Turquie, bien sûr, offre un soutien inconditionnel à son mandataire, l'État islamique, en Syrie. C'est la Turquie (en coordination avec Israël) qui a permis le "Blitzkrieg" qui a anéanti l'ancienne armée syrienne en 24 heures à l'aide de drones et d'armes occidentales, américaines, turques et israéliennes. Pourquoi les Syriens n'ont-ils pas résisté ? Parce qu'ils ne l'ont pas pu, tout comme les Juifs en 1933-1945, qui ont été dépouillés de tout avant que les hommes ne soient exécutés.

Pour la Turquie, ceci résout également le "problème" kurde. Les Kurdes sont les prochains sur la liste noire d'Al-Julani, conformément aux ordres d'Ankara. L'autodétermination kurde n'a jamais été envisageable pour la Turquie, comme l'histoire le prouve. Et qu'en est-il de l'aide occidentale ? Les États-Unis ont trahi les Kurdes à maintes reprises. Comme le disait feu Kissinger :

"Il peut être dangereux d'être l'ennemi de l'Amérique, mais être son ami peut être fatal".

Nous assisterons sans doute bientôt à une tentative d'extermination des Kurdes. En Turquie, ils sont depuis longtemps dans le collimateur. Des troubles couvent dans tout le pays, réprimés par les médias turcs, mais les manifestations persistent et des centaines de personnes, Kurdes et laïcs, disparaissent dans les prisons.

Telle est la tragique réalité du Moyen-Orient et de l'Asie occidentale. Les anciennes puissances coloniales européennes ont semé le chaos, les divisions sectaires et les tensions, tout comme l'Empire ottoman qui s'est allié à l'Allemagne pendant la Première Guerre mondiale et a ensuite feint la neutralité pendant la Seconde tout en négociant secrètement avec les nazis. Aujourd'hui, la duplicité de la Turquie est exposée au grand jour. Les idéologies coloniales de l'Europe et des États-Unis d'après 1945 perdurent, faisant d'innombrables victimes au Moyen-Orient, au nom d'une prétendue supériorité et pour s'accaparer des ressources volées. La laïcité n'a été qu'un rêve éphémère, aujourd'hui réprimé par les puissances occidentales et les forces religieuses fanatiques qui contrôlent ce qui fut autrefois la Syrie.

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